Mon parcours de rétablissement
Une errance médicale imprégnée de croyances, retardant le diagnostic.
Au programme :
Processus lent et inconfortable
a. Visibilité et identité
b. La phase du changement
c. La dissonance
d. Confusion et réflexions
e. Les sujets qui m’obsèdentf. L’intimité du parcours
Le savoir expérientiel
a. Chercher des réponses au mauvais endroit
b. Illusion de guérison rapide
c. Le coût du retard de diagnostic
d. Le danger de l’isolement
e. Les “pseudo-thérapeutes”f. Médication : un échec ?
La guérison passe aussi par la reconnaissance des oppressions subies
a. Reconnaître l’impact des pratiques alternatives
b. Comprendre le lien entre souffrance et oppressions systémiques
c. Se rétablir grâce aux autres
1. Processus lent et inconfortable
Je ne sais pas trop par où commencer, mais je me lance dans l’écriture en espérant qu’elle puisse se construire d’elle-même. Je n’ai pas particulièrement envie de décrire une temporalité, ni de dire que ce que je faisais avant est moins bien que ce que je veux faire maintenant… bien que je le dise en disant ça. Pourtant, comment parler de changement sans parler du temps qu’il a pris ? On ne se réinvente pas du jour au lendemain, et le processus est souvent lent, inconfortable, parsemé de doutes.
a. Visibilité et identité
J’imagine qu’en étant un peu visible sur Instagram, mes changements ont été visibles eux aussi. C’est ce qu’il y a de pratique quand on construit une identité numérique avec des images, des couleurs, des noms : il suffit d’en changer la forme pour informer que le fond est différent. C’est d’ailleurs ce que j’ai fait. Le violet et le rose ont remplacé le noir et le beige. La sorcière intuitive a laissé plus de place à la militante féministe. Bon, mais tout est une affaire de nuances, et malgré un code couleur bien rodé, c’est difficile d’être succincte pour parler de changement profond.
b. La phase du changement
Je pourrais te dire ce que le noir, le beige et la sorcière représentaient, et aller vers ce que le violet, le rose et la militante sont aujourd’hui. Je pourrais “storyteller” ma vie et mes changements pour aboutir à une fin heureuse et révélatrice de mon existence, prête à partager tous mes grands savoirs, et qui m’aime me suive. Mais écrire l’humain sous fond de marketing ne m’intéresse pas. Je ne souhaite pas non plus cracher dans la soupe qui m’a nourrie et dans laquelle j’ai beaucoup appris. Une soupe nourrissante… même si elle m’a donné la gerbe à plusieurs reprises. Et même si aujourd’hui je n’aime plus trop la soupe, je ne veux pas catégoriser celles et ceux qui l’aiment encore, simplement parce que mes nouvelles croyances ont changé de recette.
c. La dissonance
Il y a une étrange dissonance à voir des personnes continuer de valoriser mes anciens enseignements alors que je ne m’y reconnais plus. Parfois, j’aimerais pouvoir tout effacer, faire table rase, mais je sais aussi que chaque étape de mon parcours a compté, pour moi comme pour d’autres. Je ne jette pas la pierre à celles et ceux qui, comme moi, ont cru trouver des réponses là où la médecine traditionnelle échouait à en donner. Mais je ne peux pas non plus ignorer la complaisance d’un système qui encourage la confusion entre soins et croyances personnelles.
d. Confusion et réflexions
Je ne sais pas trop si tu me suis. Moi-même, je ne sais pas encore où je vais.
J’ai plusieurs pensées qui se bousculent en même temps, et je ne sais pas trop laquelle prendre en premier. Je pense au fait que j’ai écrit un livre récemment, une version de moi d’avant. Je pense aussi à toutes les personnes qui ont suivi mes enseignements et mes partages, auxquels je n’adhère plus aujourd’hui. Je pense au virage que tu penses que j’ai pris, alors que j’ai mis quatre ans à dériver pour en arriver là. Entre deux mondes : ni tout à fait dans l’ancien, ni encore complètement dans le nouveau.
« Il est essentiel de comprendre que le rétablissement en santé mentale n’est pas linéaire ; il se caractérise par des avancées et des reculs, mais chaque étape fait partie du parcours. »
— Dr Roger Ng
e. Les sujets qui m’obsèdent
Je pense à tous les sujets qui m’intéressent – pour ne pas dire qui m’obsèdent – et dans lesquels je plonge chaque jour pour en apprendre davantage, parce que je ne veux plus perdre une miette de savoir, de discernement et d’esprit critique.
Pour en citer quelques-uns : la psychologie, les dérives spirituelles et le sectarisme, la santé mentale et les neuroatypies, les violences systémiques – notamment celles faites aux femmes –, le déni de classe, le psychotraumatisme et tout ce qui touche au rétablissement. Tous ces sujets pourront être abordés ici, dans SOIN COLLECTI.VES. C’est mon envie.
f. L’intimité de mon parcours
Entrons un peu dans l’intime pour poser le décor de mes mots. Et là, c’est le blanc. Soit j’écris un livre de 300 pages, soit je me tais. Difficile pour moi de résumer en deux phrases une expérience vécue. Bon. Tentons.
Disons que j’ai fait un burn-out. Rien d’exceptionnel ici : beaucoup de femmes entrepreneuses, visibles sur Instagram et à leur compte, ont vécu la joie de se brûler les ailes à trop en faire, ou à trop penser qu’il fallait en faire. Ce burn-out m’a amenée à une dépression, elle-même suivie d’un diagnostic de trouble anxieux généralisé, qui a mené à une suspicion de TDAH, entraînant à son tour de nombreuses et joyeuses comorbidités quotidiennes : troubles du sommeil, bruxisme, rosacée, troubles digestifs (…). Tout cela cachant une inflammation chronique, des attaques de panique et une agoraphobie récurrentes, ainsi qu’un SPM donnant envie de disparaître chaque mois, laissant suspecter un TDPM.
Je fais volontairement une liste à rallonge, histoire que tu te dises : « punaise… tout ça ? ». Et encore, je résume.
2. Le savoir expérientiel
Si j’étale ici ces expériences médico-psychologiques vécues ces dernières années, c’est parce qu’elles m’ont permis d’acquérir de l’expérience dans mon rétablissement. Ainsi que des changements de paradigmes dans mes croyances, et une nouvelle posture. Parce que rester au même endroit toute sa vie ça me ferait vraiment ch*er quand même.
Voici une liste non exhaustive des premières choses que j’ai comprises grâce à l’expérience de mon propre rétablissement et de mes changements :
a. Chercher des réponses au mauvais endroit
Pendant des années, j’ai cherché des réponses au mauvais endroit. J’ai suivi des accompagnements non conventionnels, plongé dans des approches pseudo-thérapeutiques et cru que mes symptômes étaient des blocages émotionnels à libérer. Résultat : j’ai perdu un temps précieux à tenter de me “guérir”, alors que j’avais besoin d’un vrai suivi médical et psychiatrique et vivre mieux avec, plutôt que de me battre à vivre sans.
« Le rétablissement en santé mentale n’est pas simplement l’absence de symptômes, mais un processus actif d’amélioration, où la personne retrouve un sens de maîtrise et d’espoir. »
— Larry Davidson, Michael Rowe
b. Illusion de guérison rapide
L’illusion de guérison rapide m’a conduite à des pratiques dangereuses. De nombreuses approches dites “spirituelles” ou “holistiques” promettent une guérison rapide ou instantanée, parfois sans réelle prise en compte de l’individu dans sa complexité. J’ai investi dans des rituels, des soins énergétiques ou des méthodes non vérifiées qui, au final, n’ont pas apporté de solution durable et m’ont même, parfois, aggravée. Ces approches peuvent entretenir des illusions qui détournent des soins réellement nécessaires et efficaces, et ce, sans aucune garantie. Je ne dis pas que tout est à jeter, mais il faut replacer les solutions aux bons endroits.
c. Le coût du retard de diagnostic
Le retard de diagnostic a donc eu un coût humain et financier considérable. En m’éloignant des soins médicaux appropriés au profit de thérapies alternatives, j’ai perdu non seulement du temps, mais aussi beaucoup d’argent. Si j’avais eu un diagnostic plus tôt et un accompagnement médical sérieux, je me serais sentie soutenue plus rapidement, j’aurais évité cette spirale de dépenses inutiles et j’aurais pu commencer à traiter mes troubles bien plus tôt. Aujourd’hui, avec du recul, je réalise que ce retard m’a coûté bien plus que ce que j’aurais pu imaginer, non seulement en termes de bien-être personnel, mais aussi en termes financiers.
« Le rétablissement implique la reconnaissance que les individus sont des experts de leur propre vie et de leur parcours. C’est un processus de collaboration, pas de contrôle. »
— Pr Michael Rowe
d. Le danger de l’isolement
À un moment, je me suis éloignée de ma famille, persuadée de voir et de comprendre des choses qu’eux ne percevaient pas. Leur présence me semblait pesante, presque comme un frein à mon évolution. Peu à peu, je me suis isolée, convaincue que les réponses se trouvaient ailleurs, auprès de personnes partageant mon vécu. Mais cette illusion m’a finalement coupée des liens de soutien et d’ancrage qui m’étaient essentiels. J’ai compris que l’isolement et l’autocentrisme ne faisaient que renforcer ma souffrance. Aujourd’hui, je me suis réouverte aux personnes que j’aime, avec leurs différences et leurs points de vue variés, car on n’a pas besoin d’être sur le même chemin spirituel ou idéologique pour s’aimer et se soutenir.
e. Le danger des “pseudo-thérapeutes”
L’une des grandes dérives de ces approches new age est l’absence de régulation quand on se retrouve entre les mains de “pseudo-thérapeutes”. De nombreuses personnes se disent thérapeutes spirituels ou autre, sans formation adéquate, sans qualifications médicales ou psychologiques, et sans cadre éthique. Cela m’a exposée à des pratiques parfois dangereuses, où la “thérapie” se transforme en manipulation émotionnelle ou en exploitation de mes vulnérabilités. Ces approches peuvent être abusives, en exacerbant des croyances ou des peurs personnelles, et en jouant sur la dépendance affective. En gros si tu penses qu’il te faut te faire tirer les cartes par la même personne à chaque fois que tu te sens au fond du trou, c’est un red flag ! (Mais si tu veux je ferais un article sur les dérives spirituelles et comment s’en préserver, j’ai pas mal à dire à ce sujet ;)
f. Médication : un échec ?
J’ai longtemps cru que la médication était un échec, et mauvais pour moi. J’avais peur d’être “déconnectée” de moi-même, d’éteindre une part de ma sensibilité voir des mes intuitions. Aujourd’hui, après quatre mois sous antidépresseurs et un suivi psychiatrique rigoureux, je fonctionne normalement, je dors, je n’ai plus d’idées noires. Ce que je prenais pour une peur de perte de contrôle était en réalité une prise en charge nécessaire. J’ai beaucoup appris sur ce qu’il se passe réellement dans mon cerveau et mon corps quand je prends un antidépresseur, et comment dédiaboliser ce traitement. Dans la sphère spirituelle, se rattache souvent des croyances ‘bio’, ‘naturel’, ‘bien-être’, comme si toute ta bonne santé ne doit que venir de tes efforts de jus de légumes matinaux, et d’anti-ondes wifi, créant une pression supplémentaire. On nous pousse à croire que les solutions ne doivent venir que de la nature ou des pratiques alternatives, parfois en ignorant les bienfaits des traitements médicaux nécessaires (nécéssaire dans ce monde de fou dans lequel nous vivons ahah). La santé mentale et physique est complexe, et il n’y a pas une seule voie pour se sentir mieux.
g. Le problème n’était pas moi, mais les mauvais accompagnements
Pendant des années, j’ai cru que si je n’allais pas mieux, c’était parce que je ne faisais pas assez d’efforts, que je ne faisais pas bien les choses, que je ne pratiquais pas suffisamment de techniques thérapeutiques (séances d’hypnose, guidance tarot, magnétisme, sophrologie, naturopathie… ma liste “devait” ressembler à ça). Aujourd’hui, je sais que ce dont j’avais réellement besoin, c’était des bonnes personnes : des professionnel·les compétent·es, diplômé·es, et encadré·es par des institutions de santé. Aujourd’hui, je consulte régulièrement une psychiatre spécialisée dans le TDAH, une psychologue EMDR, et mon médecin généraliste, et je ne me suis jamais sentie aussi en forme depuis longtemps (avec des économies en plus).
3. La guérison passe aussi par la reconnaissance des oppressions subies
a. Reconnaître l’impact des pratiques alternatives
Accepter d’avoir été trompé·e n’est pas facile. Il y a de la honte, de la colère et de la tristesse à réaliser que l’on s’est perdu·e dans des pratiques qui nous ont finalement desservi·es. Cependant, ce n’est pas une faiblesse d’avoir cherché du réconfort là où on le pouvait. L’essentiel, c’est d’avoir aujourd’hui les outils pour faire différemment. La souffrance et la maladie ne peuvent pas être résolues uniquement par des thérapies alternatives. Ces pratiques doivent venir en complément, et non en remplacement, au risque d’aggraver la situation. Souvent conçues pour des personnes blanches, valides et privilégiées, elles placent une responsabilité disproportionnée sur l’individu, niant les réalités médicales et systémiques. Elles ne sont pas toutes à rejeter, mais elles ne conviennent à personne en cas de grande souffrance.
b. Comprendre le lien entre souffrance et oppressions systémiques
Pendant longtemps, j’ai cru que mes difficultés étaient uniquement personnelles. Aujourd’hui, je comprends qu’elles s’inscrivent dans un système de dominations qui impacte profondément le bien-être des femmes, des personnes racisées, des personnes en situation de handicap et d’autres groupes marginalisés. Reconnaître cela m’a permis de voir que ma souffrance n’était pas isolée et que la guérison passe aussi par la reconnaissance et la déconstruction de ces oppressions systémiques.
J’avance entre deux mondes, avec encore des questions sans réponse, mais une certitude : je ne veux plus confondre soins et croyances personnelles. Ma spiritualité est intime, et ce en quoi je crois ne doit pas faire barrage à ma santé physique et émotionnelle, et pourtant elle l’a fait. Redonner à la spiritualité sa juste place, celle de l’amour et de l’espoir, sans la confondre avec le soin ni avec l’illusion de miracles, est un équilibre que je cherche désormais à préserver.
« Le rétablissement est une démarche globale qui inclut non seulement les soins médicaux, mais aussi l’engagement communautaire et l’accès à des environnements de soutien. »
— M. Paul Dileo
c. Se rétablir grâce aux autres
Si aujourd’hui je me sens prête à avancer dans une nouvelle direction, c’est en grande partie grâce aux personnes qui, un jour, m’ont tendu la main, écoutée sans jugement et montré que la guérison ne repose pas uniquement sur “se sauver soi-même”. Nous nous en sortons mieux quand d’autres nous montrent des exemples de rétablissement, nous aident à nommer nos difficultés et nous prennent, un instant, par la main pour nous guider vers le “ça va aller”. L’individualisation de la société, le développement personnel et la spiritualité en ligne nous éloignent parfois les un·es des autres et renforcent cette illusion d’autosuffisance, qui est un réel danger pour notre bien-être. La guérison est un processus collectif : elle ne se fait pas seul·e. L’accompagnement thérapeutique, le soutien des proches et des pairs ont été essentiels dans mon rétablissement. Je ne suis ni une experte, ni une source d’inspiration absolue, juste une personne qui, comme toi, a traversé des épreuves et a appris à chercher des ressources ailleurs que dans les discours qui enferment.
Voilà un mélange de pensées qui avait besoin de sortir. Dis-moi en commentaire si tu veux que j’approfondisse un sujet et, en attendant, viens, on continue à se rétablir ensemble.
Art : Jiayue Li artworks
Merci de m’avoir lu,
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Prends soin de toi et des autres,
Tiffany Garrido
SOIN COLLECTI·VES
Sublime, encore une fois. Quand je te lis, je me sens tellement moins seule et je crois que se sentir comprise c'est un besoin émotionnel et relationnel profond. Alors merci infiniment ❤
Merci pour ce partage Tiffany, c'est très touchant de te lire. J'ai bugué sur un mot : rosacée. J'en souffre (le mot est faible) également, et jamais je ne l'ai envisagé comme une commorbidité du TDAH 🤯 J'ai tout essayé et ça revient toujours. Que fais-tu toi ? En terme de soins (impossible de trouver une crème qui ne me fasse pas réagir), compléments alimentaires, bonne pratique ou autre... ? Merci de l'avoir évoqué !