Au programme :
Une histoire de résilience
Du rétablissement à l’envie d’aider
C’est quoi la pair-aidance ?
Prendre le temps de se former
Un nouvel espace pour se retrouver
Pour conclure
Si tu veux aller plus loin
1. Une histoire de résilience
Si je devais commencer par le début, je dirais que ça commence avec l’histoire de ma mère. J’ai hésité à écrire « maman », mais ce n’est pas venu naturellement.
Ma mère, c’est une femme forte, belle, avec une histoire qu’on pourrait directement classer dans la catégorie « drame ». Le genre d’histoire qui fait pleurer. Une femme résiliente, dont je garde des souvenirs lumineux malgré la souffrance. Elle avait été diagnostiquée « dépressive », mais je crois surtout qu’elle fait partie de ces nombreuses personnes issues des classes populaires qui n’ont pas été correctement diagnostiquées. Pas assez tôt. Pas avec les bon·nes praticien·nes.
Je parle d’elle à travers ma mémoire et ce qu’elle m’a transmis, en étant certaine qu’elle n’était pas uniquement marquée par la dépression. Il y avait d’autres troubles, d’autres douleurs psychiques, plusieurs comorbidités. Et sûrement des antidépresseurs mal prescrits, qui ne l’aidaient pas vraiment.
Elle a été reconnue « handicapée niveau 1 », jugée inapte au travail. Et, en tant que sa fille, ça a été difficile de grandir à ses côtés… et plus simple de rompre la relation.
Après la colère, les larmes, l’incompréhension, j’ai commencé à voir son histoire comme ma première, et longue, expérience de la santé mentale.
Imagine une gamine qui donne du Doliprane au lieu d’un antidépresseur à sa mère parce qu’elle pense que ça l’aidera à se réveiller. Imagine voir ta mère joyeuse un jour, puis absente pendant des semaines. Imagine toutes les scènes de tendresse et de complicité qu’on rêve de vivre avec une maman, et qui n’ont pas vraiment existé pour moi. Parce que cette mère, pourtant si forte et incroyable, est devenue incapable — et donc l’une des sources principales de tous mes malheurs.
2. Du rétablissement à l’envie d’aider
J’ai grandi trop vite et évolué dans un environnement instable, mais j’ai aussi beaucoup appris. Et puis, à l’âge adulte, j’ai moi-même traversé les ombres de la dépression, et d’autres joyeusetés du genre.
(Si tu veux en savoir plus, tu peux lire l’article « Mon parcours de rétablissement ».)
Imagine ta pire peur. Maintenant, imagine vivre en plein dedans, genre vraiment. Voilà, c’est ce que j’ai traversé. Je voulais faire mieux que ma mère. Ne pas flancher. Ne pas faillir. Ne pas décevoir. Mais bon, les X-Men, c’est qu’à l’écran. Et entre l’héritage, le patriarcat et le stress post-traumatique, j’ai fini par tomber moi aussi, et plonger au cœur de ma peur.
Et c’est là que quelque chose a changé.
Vivre l’incapacité dans mon propre corps, ça m’a obligée à tout revoir. À regarder autrement l’histoire de ma mère. À reconsidérer ma propre histoire.
L’expérience de la souffrance psychique est tellement vaste, multiple, inqualifiable parfois… que je ne sais même pas quoi écrire pour te dire à quel point c’était la merde.
« Le rétablissement, ce n’est pas la fin de la souffrance, mais un chemin de réappropriation de soi et de transformation de la souffrance en force. »
— Geneviève Lhermitte, dans “Réparer et vivre : La force de se rétablir”
Mais t’inquiète, y’a un happy ending. Parce qu’aujourd’hui, je suis stable. Je suis suivie. Mon parcours de rétablissement n’a jamais été aussi bon. Il y aura encore des vagues, des traversées, mais à chaque fois, j’en apprends un peu plus sur mes troubles, mon corps, et les soins qui me font du bien.
Ces traversées m’ont donné envie de :
Sauver ma mère – mais ça, ce n’est pas possible.
Me sauver moi – mais pas toute seule, en tout cas.
Aider les autres – et là, franchement, j’ai de l’espoir.
Sans rire, tout ce que j’ai appris en passant des nuits blanches à lire, à chercher ce que j’avais, pourquoi, ce qui se passait dans mon corps, dans mon cerveau, comment m’en sortir, qui aller voir…
Tout ça a rempli mes tiroirs de connaissances, théoriques et pratiques, en matière d’« aller mieux ».
Et quand j’ai recommencé à dormir, à me lever sans avoir besoin d’une grue, à reprendre goût à la vie, aux envies, à l’espoir, à la joie (je n’y croyais plus, je te jure), j’ai ressenti profondément l’envie et le besoin d’aller plus loin pour apporter de l’espoir moi aussi. Je crois qu’on peut se tourner vers les autres une fois que nos besoins vitaux sont stabilisés. En tout cas, c’est ce que j’ai vécu.
« Être en rétablissement » (being in recovery) désigne un processus où la personne, avec l’aide de personnes de confiance ou d’outils spécifiques, se fixe elle-même ses objectifs en fonction de ses priorités. »
— Larry Davidson – Psychologue et chercheur américain
Alors, après des années de réflexion, de détours, j’ai décidé de reprendre mes études en psychologie. Après un premier master en poche, je repars pour un nouveau master à distance, parce que la psychologie me passionne — et ça devient une évidence aujourd’hui. Acquérir des connaissances, c’est une vraie valeur pour moi. Mais plus encore : avoir le bagage nécessaire pour accompagner d’autres personnes de manière éthique, respectueuse, professionnelle, me donne une énergie folle.
J’ai envoyé mes dossiers. Je saurai bientôt si je suis acceptée.
En attendant les 5 ou 7 ans avant ce fameux diplôme et, peut-être, mon futur titre de psychologue (on y croit !), je continue ce que j’ai déjà commencé : accompagner. Mais plus en tant que “gardienne de cercle” (pour celleux qui sont là depuis le début), cette fois en tant que pair-aidante.
Et laisse-moi t’expliquer un peu ce que c’est !
3. C’est quoi la pair-aidance ?
La pair-aidance est une forme d’accompagnement fondée sur le partage d’expérience. Elle repose sur l’idée que celles et ceux qui ont traversé des troubles psychiques, des vulnérabilités ou des épreuves de vie peuvent, une fois engagé·es dans un chemin de rétablissement, soutenir d’autres personnes vivant des situations similaires.
Ce concept a émergé dans les années 1970 avec les mouvements des usager·es de la psychiatrie et les luttes pour les droits en santé mentale. La pair-aidance est née d’un besoin de reconnaissance des savoirs expérientiels, et d’une volonté de sortir d’une posture uniquement médicale.
« La pair-aidance, en France, serait née des groupes d’entraide mutuelle (GEM). »
— Bernard Durand – Président d’honneur de Santé Mentale France
En France, elle est reconnue plus récemment, à travers des formations, des expérimentations dans les institutions de soin, et des collectifs militants.
La personne pair-aidante est avant tout un·e “pair·e” : quelqu’un qui a connu la souffrance psychique ou l’exclusion sociale, et qui met cette expérience au service d’un accompagnement solidaire.
Ce n’est pas une thérapeute, une psy, ni une coach. Elle ne se place pas dans une posture d’expert·e « au-dessus », mais à côté.
Elle ne soigne pas. Elle marche avec, en offrant un espace d’écoute, de reconnaissance mutuelle et de soutien, basé sur une compréhension vécue des difficultés.
« Les personnes qui ont vécu des expériences similaires apportent une sagesse que la théorie seule ne peut offrir. Leur expérience fait d’elles des alliées, non des expertes. »
— Terry O’Connor, dans Peer Support in Mental Health: A Guide to Theory and Practice
La pair-aidance, c’est politique. C’est un autre rapport au soin. Une façon de faire exister d’autres formes de savoirs : ceux du vécu, de l’entraide, du collectif, du non-jugement. C’est croire que la santé mentale, ce n’est pas juste une affaire de psy ou d’hôpital — c’est une affaire de société, de relations, de solidarités.
Ce que la pair-aidance permet
Le rétablissement : voir une personne qui a traversé des difficultés similaires et qui avance aujourd’hui avec ses forces redonne l’espoir d’aller mieux. Le rétablissement n’est pas une guérison totale, mais un chemin personnel vers une vie qui a du sens malgré la souffrance. La pair-aidance est souvent une étape-clé sur ce chemin.
La dignité retrouvée : être écouté·e sans jugement, sentir que son expérience a de la valeur… ça permet de se sentir à nouveau pleinement humain·e, reconnu·e dans sa complexité.
Des liens vrais et sécurisants : la pair-aidance favorise des relations fondées sur l’empathie, la confiance et le respect mutuel. On se sent moins seul·e, moins isolé·e.
L’espoir : voir que d’autres s’en sont sorti·es, ou avancent malgré les obstacles, est une source profonde d’inspiration.
La validation de son vécu : dans une société qui invisibilise, minimise ou pathologise certaines expériences, la pair-aidance permet de se sentir entendu·e, et légitime dans son ressenti.
L’entraide horizontale : un lien d’égal à égal, où chacun·e peut à la fois recevoir et offrir. Une dynamique de solidarité vivante, loin des rapports hiérarchiques traditionnels.
Le non-jugement : les pair·es connaissent le poids de la stigmatisation. Cela crée un espace rare, où il est possible de dire, d’être, sans masque ni honte.
La réappropriation de son histoire : en racontant, en partageant, en étant témoin du récit d’autrui, on redevient acteur·rice de son parcours.
On transforme ce qui nous a blessé·e en quelque chose de précieux — pour soi, et pour les autres.
« La pair-aidance remet l’individu au centre de son parcours de rétablissement, en reconnaissant que chacun·e a une expertise propre dans la gestion de sa santé mentale. »
— Thomas F. O’Neill, dans Peer Support: A Model for Empowerment and Recovery
4. Prendre le temps de se former
Mes expériences personnelles enrichissent profondément la manière dont je perçois le rétablissement. Mais je ne m’appuie pas uniquement sur mon vécu. Pour accompagner au mieux, j’ai choisi de me former régulièrement, dans une démarche à la fois éthique et engagée.
Formations suivies ou en cours :
Le rétablissement en santé mentale : se rétablir, un vrai délire ? – Haute École Spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO)
Introduction à la psychologie – Yale University
Femmes et santé – Université de Toulouse
Fondements du rétablissement – J.-F. Pelletier, Université de Montréal / Yale
Vivre avec un TDAH à travers les âges – Université de Genève (Note obtenue : 87,54 %)
Comprendre le psychotraumatisme – Association Mémoire Traumatique et Victimologie
Accompagner les victimes de dérives sectaires – Centre Contre les Manipulations Mentales (CCMM)
Les conduites suicidaires : identifier et prévenir – CHU de Montpellier (Note obtenue : 82 %)
Introduction à la psychologie – Université Toulouse-Jean Jaurès (UT2J) (Note obtenue : 72 %)
Formations que je souhaite suivre prochainement :
Premiers secours en santé mentale (PSSM)
Rétablissement personnel – COFOR
Devenir patient·e ressource – Union Francophone des Patients Partenaires (UFPP)
👉🏼 Découvrir toutes mes formations - SITE INTERNET
Tout cela se fait – et se fera – en parallèle de ma reprise d’études en psychologie. Mon souhait, c’est d’être là pour toi en tant que paire-aidante, dans un accompagnement à ton rythme, pour le temps que tu jugeras nécessaire.
Et de mon côté, de continuer à apprendre, à cheminer, à me rétablir, et à guérir une partie de mon histoire familiale à travers ce rôle.
J’aimerais aussi, à terme, m’engager dans des associations locales pour y exercer la pair-aidance dans un cadre collectif. Ce sera sans doute après notre installation dans le Sud — pour l’instant, on est encore en vadrouille.
Bref, tu sais à peu près tout de ce projet qui me fait profondément vibrer. Il réunit tout ce qui compte pour moi : l’entraide, le soin, l’action politique, le partage, la solidarité.
👉🏼 Et si tu ressens l’envie qu’on se rencontre dans le cadre d’un accompagnement en pair-aidante - PRENDRE RENDEZ-VOUS ICI
5. Un nouvel espace pour se retrouver
Avec ces nouveaux élans, j’ai eu envie de créer un Cercle de parole en ligne : un espace doux, accueillant et sécurisé pour déposer autour du rétablissement.
L’idée ? Partager nos vécus, s’écouter sans se juger, prendre un vrai temps pour soi tout en tissant des liens.
Je proposerai aussi des exercices simples, introspectifs ou créatifs, pour nourrir nos réflexions, apaiser l’intérieur et prendre soin de nous — individuellement et collectivement.
Que tu sois en plein dedans, en chemin, ou simplement curieux·se, tu es le ou la bienvenu·e.
👉🏼 Prix libre – RÉSERVER MA PLACE ICI
6. Pour conclure
Devenir pair-aidante, c’est d’abord ça : partager ce que la souffrance m’a appris. C’est ce qui m’a poussée à me lancer : comprendre, aider, et surtout, ne plus être seule dans ces moments où tout semble s’effondrer.
« En psychiatrie, l’accompagnement par un pair ramène le sensible au cœur du travail. »
— Aurélien Troisoeufs – Anthropologue de la santé
Je n’ai pas toutes les réponses — mais j’ai connu assez de tempêtes pour savoir qu’être accompagné·e par quelqu’un qui est passé par là, ça change tout. C’est ce qui m’a permis de tenir, de continuer, d’espérer. Et aujourd’hui, c’est ce que j’ai envie de transmettre.
Alors, merci maman, tout naturellement.
7. Si tu veux aller plus loin
BD & articles :
Se rétablir de Lisa Mandel : Une bande dessinée intime et éclairante sur le parcours de rétablissement en santé mentale, portée par l’humour et la justesse du regard : ici
Santé Mentale, N°248 – Mai 2020 : Mettre en œuvre la pair-aidance : Un numéro de référence de la revue professionnelle pour comprendre les enjeux et les conditions d’intégration des médiateur·ices pair·es dans les structures de soins : ici
Psycom, L’entraide et la pair-aidance : Un article synthétique et accessible pour découvrir les fondements de la pair-aidance, ses formes et ses bienfaits dans les parcours de soin : ici
Les médiateurs pairs en santé mentale : Un article qui explore les spécificités du métier de médiateur·ice pair·e, entre savoirs expérientiels et reconnaissance professionnelle : ici
Pair-aidance dans les organisations sanitaires, sociales et médico-sociales : Une ressource complète pour les professionnel·les et structures souhaitant intégrer des pratiques de pair-aidance de manière éthique et cohérente : ici
Associations :
Esper Pro : Association qui soutient la pair-aidance en santé mentale, en formant et accompagnant des personnes ayant vécu des troubles psychiques : ici
PositiveMinders : Organisation franco-suisse qui lutte contre la stigmatisation et promeut des soins de santé mentale inclusifs et accessibles : ici
COFOR : Centre de formation qui propose des parcours de rétablissement personnel pour les personnes vivant avec des troubles psychiques : ici
Podcast :
La Perche, Pair-aidance, cultiver l’espoir : La Perche explore le rôle du pair-aidant en santé mentale, mettant en lumière comment son expérience vécue et sa capacité d’écoute contribuent au rétablissement des personnes concernées : ici
Art : Inès Longevial
Merci de m’avoir lu,
Tu peux commenter, t’abonner, me suivre sur Instagram, découvrir les méditations guidées sur YouTube, ou encore commander mon livre Cercles & Rituels,
Prends soin de toi et des autres,
Tiffany Garrido
SOIN COLLECTI·VES
Merci pour cette vulnérabilité partagée 🫶🏻Très intéressant cette notion de pair-aidante, qui me donne envie de creuser le sujet, je réfléchis beaucoup à me former dans ce sens également.
Je t’avoue que ce groupe de parole me plaît bien, le soucis c’est que je ne suis pas forcément à l’aise en groupe et avec la caméra 😅